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Bruce Forsyth

Du temps perdu à la recherche

B. Forsyth - avril 2018
(Titre en Français dans le texte d'origine en Anglais)

La recherche est une affliction insidieuse qui, une fois contractée, peut changer une vie. Ses origines peuvent être attribuées à une mutation génétique chez un ancêtre, la curiosité, et ainsi beaucoup de personnes ont débuté leur carrière en obtenant un doctorat en curiosité appliquée. Les résultats positifs de tels exercices ont principalement été dans l'esprit du chercheur et non dans une contribution significative à la richesse du savoir humain. Néanmoins, l'état d'esprit d'un toxicomane confirmé peut conduire à beaucoup de temps passé, sinon perdu.

Ces réflexions m'ont été inspirées par une bouteille de l'excellent élixir de M. Chapoutier, « La Croix des Grives », créé aux confins du Rhône, comme tant de nos favoris.  Je sirotais cette friandise quand une question cruciale s'est soudain imposée :
     «Mais quelle sorte d'oiseau est donc la grive ?»
Je me suis précipité sur le Petit Robert, qui a confirmé ma supposition, c'était bien ce qu'on appelle « thrush » dans ma langue natale. Mais mes questions ne s'arrêtaient pas là et, Le Petit étant trop limité en précisions ornithologiques, je me suis tourné vers le Harrap's New qui s'est avéré meilleur mais, en outre, m'a livré ce proverbe merveilleux :
     «Faute de grives on mange des merles.»
Cela était complètement nouveau pour moi et m'a tout de suite confirmé un trait de caractère des Français :
     «Vivre directement sur ce que la nature offre, si peu cela soit-il
D'autres nations présentent également certaines de ces caractéristiques. Par exemple, les champignons sauvages sont appréciés par beaucoup, y compris les Russes et nous. Je suis revenu plusieurs fois de Sheremetyevo au Royaume-Uni avec une bouteille de грибь passée clandestinement. Je crois, cependant, que les escargots restent propres à nos amis d'outre-Manche, comme les pieds de poulet, dont nous avons fait l'expérience à Pékin, le sont pour les Chinois.
En ce qui concerne les friandises aviaires, les Britanniques aiment des cibles plus grandes. Le tétras et les faisans exigent moins de précision de la part du tireur que, par exemple, le rouge-gorge que, parait-il, les Maltais abattent en grand nombre. De plus, le sentiment de notre nation est de soutenir l'opprimé ("underdog" en Anglais) y compris des oiseaux ("underbird" est un jeu de mots), transformer une grive musicienne en pâté n'aurait pas traversé l'esprit national. Toutefois si, comme le juvénile Robert, vous ne pensez à lui que comme «un oiseau de plumage léger tacheté de noir», je suppose que cela peut devenir possible.

Ceci est donc un exemple de comment le hasard d'une observation aléatoire peut conduire à une perte de temps significative si on a la recherche dans le sang. De plus une chose mène à une autre, à la différence des impasses qui détournent un esprit curieux du droit chemin vers des objectifs illusoires.

Qui était le petit Robert et comment a-t-il grandi ? De ma jeunesse me revient l'image de grands « Roberts », des « Bobbies » (surnom des policiers en anglais) dont la taille a probablement été amplifiée en étant vus de plus près du sol. Et puis, les Français s'adonnent-ils aux diminutifs de leurs prénoms ? Est-ce qu'il y a des diminutifs équivalents à Bobby (Robert) et Jim (James) qui s'intègrent aussi bien en France que Vova et Sasha en Russie où ils éloignent leurs porteurs de Vladimir (peut-être Lénine) et du magnifique Alexandre avec ses connotations tsaristes. Mais un petit pas de plus dans cette recherche erratique vient clore cette boucle gastronomique en me rappelant l'un de mes amis Sasha, Borovik-Romanov, un physicien qui a travaillé avec Piotr Kapitza. Il m'a confié un jour qu'il ne mettait pas l’accent sur le Romanov et que le Borovik est un gros champignon comestible !

Il n'est pas dans mon intention de transformer cette note en un traité, encore moins en une thèse, mais afin de justifier un peu mieux le titre proustien que je lui ai donné, je voudrais en venir au véritable gaspillage de temps, la re - cherche qui s’accentue au fur et à mesure que l’on vieillit.

Re-chercher engendre une perte de temps dans la chasse aux objets égarés. C'est un fait fréquemment observé que les choses conspirent à s'absenter dans les premières étapes de telles recherches pour se re-matérialiser plus tard, exactement à l'endroit même où la recherche a été débutée. Un exemple banal peut/ne peut pas être trouvé dans les réfrigérateurs de la plupart des gens. Pour mieux comprendre ce macro-phénomène, il suffit de le relier à l'effet quantique connu sous le nom de "Chaton de Schroedinger". Etre, au temps quantique, à la fois mort et vivant est équivalent, au macro-temps, à être là et pas là. Bien entendu, les transitions entre ces états nécessitent une grande quantité d'énergie sombre, dont l'existence pourrait être clarifiée par de nouvelles expériences utilisant l'énergie accrue du LHC à Genève. Ce type de recherche est incompréhensible pour la plupart des humains et peut même faire appel à la variable de Planck, elle-même un secret qui n'est révélé qu'à quelques-uns.
Il faut aussi souligner que le chien de Schroedinger n'est jamais mentionné. C'est parce que la famille Canidae n'est équipée ni de l'ingéniosité, ni de l'imagination nécessaires pour de telles transitions d'état. En revanche ces caractéristiques ont été régulièrement observées et décrites par le Dr Dodgson d'Oxford chez la famille Felidae, en particulier chez le chat du Cheshire à poil court de la sous-espèce Félix-Chatus. Cette espèce disparaît régulièrement, mais très lentement, laissant seulement un sourire sardonique pour revenir plus tard avec son sourire intact.

Bruce Forsyth
(Chercheur and Re-chercheur, et de façon "Extraordinary" pour ce dernier point)

Traduction par Alain Filhol et Susan Tinniswood

Documents
Bruce Forsyth
ILL, Symposium Francis Tasset (2009)

Physicien retraité (1997) du Rutherford Lab.
Dans les années 60, il construit un diffractomètre à neutrons polarisés à Harwell. Il l’installe à l’ILL en 1974 sur le faisceau thermique H5 sous le nom de D3, en collaboration avec Jane Brown et Philippe Ledebt. Il fait donc partie du petit groupe des pionniers qui, grâce aux instruments D5 et D3, a développé à l’ILL l'étude des monocristaux par diffraction des neutrons polarisés.

Dernière mise à jour: 24 June 2021