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Un peu de physique

Pour ceux qui ne sont pas scientifiques, cette page vise à donner un aperçu de la physique évoquée dans le texte de Hans Börner.

PN2-BILL - spectromètre à électrons de conversion

Pierre Jeuch et le spectromètre BILL. La partie circulaire blanche, en haut à droite, est l'aimant qui focalise les electrons sur le détecteur
© ILL

Lorsque un noyau atomique absorbe un neutron il se retrouve "excité", c'est-à-dire avec de l'énergie en excès dont il va chercher à se débarasser. Sa désexcitation peut se faire par émission de rayons gamma et/ou par conversion interne. Ce dernier processus aboutit à l'éjection d'électrons ayant des énergies bien définies pour chaque isotope, ce qui apportent de précieuses informations sur les niveaux énergétiques du noyau atomique et donc sur sa structure interne.

Le spectromètre BILL [1,2] acronyme de "Beta-spectrometer at the Institut Laue-Langevin", installé au niveau D du réacteur, mesurait donc ces électrons de conversion et apportait ainsi des informations complémentaires à celles fournies par la spectrométrie gamma. BILL a été construit par Till von Egidy et Bernd Maier, puis Walter Mampe et Klaus Schreckenbach en ont été les responsables. Il a été supprimé quand une nouvelle crépine a été installée dans le bidon réacteur (1992).

[1] Mampe W. et al. (1974) "Proceedings of the 2nd International Symposium on Neutron Capture Gamma Ray Spectroscopy and Related Topics", Eds. Abrahams K., Stecher-Rasmussen F., Van Assche P., (Reactor Centrum Nederland) pp.801.
[2] Mampe W. et al. (1975) NIM, 128, 585-587. DOI 10.1016/0029-554X(75)90531-5

Spectromètres gamma PN3-GAMS

Hans Borner et Christian Doll examinent l'interféromètre en céramique de verre de GAMS5
C. Doll et al, JRNIST 105 (2000) 167.
Exemple de noyaux atomiques deformés
<web-docs.gsi.de/~wolle/TELEKOLLEG/KERN/index-s.html>

Comme dit ci-dessus, lorsque un noyau atomique absorbe un neutron il devient "excité" et libère son excès d'énergie en émettant du rayonnement gamma (de la lumière invisible de très courte longueur d'onde). Chaque noyau émet un rayonnement caractéristique qui renseigne sur ses niveaux énergétiques internes; cela apporte donc des informations cruciales sur les noyaux atomiques en plus de ce que permettait déjà les électrons de conversion de BILL.

La spectrométrie gamma, développée à l'ILL par les instruments GAMS, nous a appris, par exemple, que le minuscule noyau des atomes n'est pas nécessairement sphérique mais peut avoir des formes variées (ballon de rugby, mandarine, orange, melon, poire, ...) ou même en changer. Par exemple le noyau de l'isotope samarium-152 peut être dans des états quantiques sphériques et déformés [1].

Parce que les rayons gamma ont de très courtes longueurs d'onde, ils sont très peu déviés par des cristaux et mesurer leurs longueurs d'onde avec précision est un vrai challenge. Cela passe par un ensemble complexe de cristaux (reflexion des gammas) et d'interféromètres (mesure précise des angles de réflexion). Les instruments GAMS de l'ILL ont sans cesse été améliorés (GAMS1, GAMS2/3, GAMS4, GAMS5, GAMS6) pour gagner en précision jusqu'à ce que le tube traversier H6-H7, sur lesquels ils étaient installés, arrive en fin de vie en 2018 et qu'on découvre que plus aucun industriel ne sait faire les soudures qu'ont su faire leurs prédécesseurs.

[1] Zamfir N.V. et al. (2002) Phys. Rev. C 65, 067305. DOI 10.1103/PhysRevC.65.067305

Neutrons ultra-froids

Mise en place du TGV (Tube Guide Vertical) sur la source froide du RHF. C'est l'un des éléments clé de la 1ère source d'UCN de l'ILL
©1985 ILL, J.L. Baudet

Des neutrons ultra-froids cela veut également dire des neutrons très lents. Alors que les neutrons qu'utilisent la plupart des instruments de l'ILL vont à la vitesse d'une voiture sur l'autoroute ou d'une voiture de course, les neutrons ultra-froids vont plutôt à la vitesse d'un marcheur.

L'une de leurs caractéristiques la plus étonnante est qu'ils sont réfléchis par les surfaces matérielles comme les photons de la lumière visible par un miroir. Du coup on peut les mettre en bouteille et, mis à part les fuites inévitables (le neutron est si petit), les y confiner jusqu'à qu'il y meurent de leur belle mort, c'est-à-dire se désintégrent spontanément en un proton, un électron et un antineutrino. Ces neutrons en bouteille matérielle, ou confinés dans des pièges magnétiques, sont parfaits pour tenter de répondre à des questions cruciales pour les physiciens comme, quelle est précisément la durée de vie du neutron ou sa charge électrique et son moment dipolaire électrique sont ils vraiment nuls ?

Ils permettent bien d'autres expériences originales comme l'observation de sauts quantiques dans le champ gravitationnel terrestre, mais ce n'est pas notre propos ici.

La turbine à neutrons PF2

La turbine à neutrons de PF2
©1985 ILL, J.L. Baudet

Le RHF produit énormément de neutrons chauds, thermiques et froids, il produit en revanche bien trop peu de neutrons ultra-froids (UCNs) pour les expériences envisagées. Il faut donc un dispositif approprié pour en produire plus.

A l'ILL, on a d'abord équipé la source froide verticale d'un guide de neutrons dirigé vers le haut et fortement courbé (surnommé TGV) qui, avec l'aide de la gravité, sélectionne les neutrons très froids et ultra-froids [1]

Albert Steyerl a alors proposé de traiter les neutrons comme des balles de tennis sur lesquelles on effectue des amorties afin d'annuler presque totalement leur vitesse incidente. Il a conçu pour cela une turbine dont les aubes sont la raquette du tennisman et qui tournent en reculant face aux neutrons incidents à la moitié de leur vitesse [2]. C'est PF2, une source d'UCNs qui, depuis 1986, place l'ILL au premier plan de la physique des neutrons ultra froids.

[1] Ageron, P. et al. (1978) J. Proc. Int. Symp. on Neutron Inelastic Scattering Vol. 1, IAEA-SM-219/58, 53.
[2] A. Steyerl et al. (1986) Phys. Lett. A 116, 347. DOI 10.1016/0375-9601(86)90587-6

Dernière mise à jour: 09 May 2022