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Multidétecteurs 2D

Du PSD linéaire au PSD bidimensionnel, le pas sera très vite franchi. Les scientifique étant très demandeurs, un énorme effort du groupe détecteur de l'ILL est fait en ce sens. La fabrication de multidétecteurs 2D reste complexes et n'est pas industrialisée. Le groupe détecteur pratique la confection sur mesure pour coller au mieux au besoins spécifiques de chaque instrument.

L'ILL s'est enssentiellement focalisé sur quatre technologies de compteurs à localisation XY.

Multidétecteurs 2D à fils croisés
Multidétecteurs 2D à monodétecteurs
Multidétecteurs 2D à tubes à localisation
Multidétecteurs à scintillateur

Multidétecteurs 2D à fils croisés

Un multidétecteur 2D à gaz, ou Position Sensitive Detector XY (PSD), utilise des anodes croisées pour localiser le point d'impact du neutron sur sa surface sensible. Chaque événement nucléaire est détecté simultanément sur deux électrodes, et la position est déterminée par coïncidence entre les 2 signaux. Les électrodes sont interconnectées pour former les lignes et les colonnes d'une matrice, chaque point de la matrice étant une cellule de détection.

Le premier détecteur de ce type pour les neutrons, on le doit au tandem E. Roudaut, R. Allemand du CEA/CENG [1,2]. Il est à noter que Allemand abandonnera assez rapidement ce domaine car l'expérience gagnée, lors de collaborations avec l'ILL pour le développement de grands multidétecteurs 2D, l'amènera à s'intéresser au développement du 1er scanner rayons X corps entier qui utilise une technologie de détection très similaire.

Un bon exemple d'évolution d'un instrument de l'ILL vers ce type de détection est le diffractomère 4-cercles D8, devenu ensuite D19.

  • 1972 - D8 est doté d'un monodétecteur car, rayons X ou neutrons, il n'y a pas encore de multidétecteur adapté à ce type d'instrument.
  • 1980 - un petit multidétecteur plan 16x64 à 3He (ouverture angulaire de 4°x8°), surnommé "fly's-eye", est testé sur D10, puis installé sur D19A en 1981, afin de pouvoir roder cette technique de détection pour un diffractomètre 4-cercles à monocristaux ainsi que la stratégie de collecte et le traitement des données [3]. Ce type de détecteur, modifie notablement la façon de mesurer et ouvre de nouvelles perspectives.
  • 1985 - D19B est doté d'un multidétecteur courbe 16x512 à 3He sous 10 bars de pression, construit à l'ILL. Il est monté verticalement pour simuler le plus grand multidétecteur que les scientifiques réclament mais qu'on ne sait pas encore construire [3,4].
  • En 2005 D19 est enfin doté du grand multidétecteur courbe dont les physiciens révaient depuis presque 15 ans.  C'est un détecteur à 3He sous 10 bars de pression, doté de 640x256 pixels avec une ouverture angulaire 120°x30° [4,5] là encore construit à l'ILL. Une vidéo montre l'étape finale de sa construction.
Innovation ILL : Très grand multidétecteur XY courbé à gaz 3He

Les techniques de détection des rayons X et des neutrons à l'aide de grands multidétecteurs à gaz à fils croisés étant assez similaires, le LETI a tiré de sa collaboration avec l'ILL une expertise unique qui lui a permis de réaliser le premier scanner X corps entier, en 1976.

Références
1- R. Allemand, C. Brey et J. Jacobé, "Dispositif détecteur de localisation de rayonnement", brevet 691 70 42 du 23 mai 1969.
2- R.Allemand R., et al. (1975) NIM 126, 29-42.
3- M.Thomas et al. (1983) "Position sensitive detection of thermal neutrons", Ed. P. Convert and JB Forsyth, Adademic Press, 344-350.
4- P. Langan et al. (1996) J. Appl. Cryst. 29, 383-389. DOI: 10.1107/S0021889896002816

5- V.T. Forsyth et al. (2001) Neutron News, 12, 20-25, DOI: 10.1080/10448630108245004
Question: le film de 1997 montre un détecteur différent de celui décrit ici qui est un groupement de 12 petits multidétecteurs plans. Bizarre !

En 1972, le diffractomètre D8, l'ancêtre de D19, avait un monodétecteur
©1972 Neyrtec
Détecteur 3He "fly's eye" de 16x64 cellules. C'est la brique de base des développements qui vont suivre
©1981 ILL
En 1983, un multidétecteur XY 3He de 16x512 cellules est développé pour le diffractomètre D19
©1983 Academic press
 
 
Le multidétecteur 16x512 est installé en position verticale sur D19 en anticipation d'un futur plus grand détecteur
©1997 ILL
En 2006, un multidétecteur 640x256 pixels est construit pour D19
©2006 A. Filhol
Zoom sur la fixation des fils croisés du multidétecteur
©2006 A. Filhol
 
 
D19 équipé de son multidétecteur de 640x256 pixels
©2019 Ecliptique, Laurent Thion
 
 

Multidétecteurs 2D à monodétecteurs

Dès le début du RHF, un certain nombre de spectromètres ont tenté de couvrir de monodétecteurs la plus grande portion d'espace possible, sans toutefois aller jusqu'à la sphère de D6. Ce fut le cas notamment des spectromètres à temps de vol (TOF) comme IN4, IN5 ou IN6 ou à petits angles (SANS) comme D11.

Probablement pour une raison de coût et sans doute aussi parce que, Nicole, l'ordinateur de contrôle de l'époque n'aurait pu suivre, les IN4 et IN5 des débuts n'avait pas assez de détecteurs pour couvrir la portion d'espace d'intérêt pour les physiciens et les mono-détecteurs disponibles étaient donc groupés par 4 ou 6 et déplacés à la main vers la zone de mesure. Dans la vidéo ci-après, Colin Carlile, directeur de l'ILL, donne son sentiment là-dessus et voici une traduction de son propos :

IN5 était un bel instrumant. C'était vraiment un bel instrument et il était l'un des instruments qui a fait la réputation de l'ILL. Aucun doute là-dessus. Il avait une très belle fonction de résolution et on pouvait changer la longueur d'onde. C'était super, vraiment ! Le seul problème était qu'il fallait aller à l'intérieur et déplacer tous les détecteurs et c'était comme IN4. IN4 était encore pire. Déplacer les détecteurs de IN4 était terrible... et c'était plutôt bon pour la forme, mais c'était terrible !

Au départ, le spectromètre secondaire de IN5 n'est que partiellement couvert de monodétecteurs 3He déplaçables par groupes
©1976 ILL
En 1988, le spectromètre secondaire de IN5 est enfin couvert en totalité de mono-détecteurs 3He
©1988 ILL

Jens-Bois Suck se souvient des discussions pour IN6, 10 ans après les débuts de cet instrument :

Always 4 or 6 of theses 1’’ detectors were in one detector-box, including their electronics (pre-amplifier) and on IN4 and IN5 me and Ruep Lechner had to move these boxes according to the requirements of the experiment (low angles, high angles). Each time we had moved them, Rambaud or Jacobé had to come to repair some of them because of their noise! That was the reason, why Ruep Lechner and I insisted in the discussion about IN6 for a first time (to my knowledge) full coverage of the secondary spectrometer with detectors, a really difficult fight with my friend John White, who was the director at that time. Luckily he finally gave in. Thus IN6 had the first true multidetector.

Avec autant de témoignage concordants sur la nécessité pour des TOF comme IN4, IN5, IN6 d'avoir leur spectromètre secondaire couvert de détecteurs, il est étonnant que l'ILL ait réagit si lentement une fois levé le goulot d'étrangelement de Nicole remplacé, en 1978, par des odinateurs PDP11-34 selon Ron Ghosh.

Voir aussi Rosace de D11 portée sur IN5 lors d'une manip CO2  (Jacques Ollivier)

Innovation ILL : couverture complète du détecteur secondaire d'un instrument TOF

Référence :
1- Ollivier J., Mutka H., Didier L. (2010) Neutron News 21(2):22-25. DOI: 10.1080/10448631003757573

Multidétecteurs 2D à tubes à localisation

à rédiger avec l'aide de Bruno. Je n'ai pas trouvé grand chose sur la genèse de ces détecteurs.

L'invention des tubes à localisation date de 1968 et, dès le départ, ils sont proposé pour la détection des rayons X, des alphas et des neutrons thermiques [1]

Ils apparaissent dans les notes internes de l'ILL sous des noms divers : tubes à localisation, tubes à division de charge, détecteurs à fil résistant.

Dans une note ILL de 1973 on trouve ceci :
D9 - détecteurs à fils résistants
    - utilise le principe de Kopp et Borkowsky pour les X
    - des prototypes BF3 et 3He ont été développés à l'ILL
    - problème du fil résistant en quartz non homogène, non remplaçable.

Pour couvrir une large portion de l'espace, une autre approche consiste à doter un polydétecteur 1D (ICA) de tubes à localisation afin d'ajouter la coordonnée Y à la coordonnée X de la localisation 1D.

L'ILL les envisage pour des tas d'instruments mais les réalisations pratiques seront surtout, la rosace de IN4, les spectromètres secondaires des TOF IN5 [2], Sharp, Panther.

[1] C. J. Borkowski; M. K. Kopp (1968) Rev of Sci. Inst. 39, 1515-1522; DOI 10.1063/1.1683152
[2] JC. Buffet and B. Guérard: ILL-Grenoble design, United States Patent 6891165, European patent EP1320119 (2003)

La cathédrale de détecteurs du spectromètre en temps-de-vol (TOF) IN5
©2008 ILL
L'un des groupes de tubes à localisation dont l'assemblage forme l'orgue de détecteurs du spectromètre secondaire de IN5
©2008 ILL
La rosace du spectromètre TOF IN4C, une autre façon d'assembler des tubes à localisation
©2001 ILL, A. Filhol

Multidétecteurs à scintillateur

Depuis le début, le groupe détecteur de l'ILL privilégie les compteurs à gaz car ils sont très peu sensibles aux rayons gamma, mais quelques unes des technologies qui émergent ici ou là sont également explorées, surtout via des collaborations avec d'autres laboratoires. Les notes internes montrent qu'on cherche alors à répondre à des besoins spécifiques comme, par exemple, accroitre l'efficacité de détection pour les neutrons chauds ou obtenir des résolutions supérieures à ce dont sont capables les PSD à fils croisés.

Détecteur à caméra de télévision
Dès 1975, U.W. Arndt et D.J. Gilmore [1] testent à l'ILL, sur le très éphémère instrument D14, un ensemble scintillateur, amplificateur d'image et caméra de télévision, mais cela n'a sans doute jamais dépassé le stade du prototype car D14 a été stoppé en 1976 [2]. André Rambaud se souvient avoir participé aux tests :

Le détecteur du professeur Arndt était un truc très encombrant qui devait faire au moins 1,20 m de long et comportait un scintillateur rectangulaire couplé à un amplificateur d'image. Il était doté de son ordinateur DEC PDP 11 propre et c'est l'électronicien Jacques Lefevre qui s'en occupait.

Référence
[1] “A neutron television camera detector”, Arndt, U.W., Gilmore, D.J. (1976) Conference "Neutron Scattering for the Analysis of Biological Structures", Brookhaven National Laboratory, June 2-6 1975, VIII-16.
[2] Rapports annuels ILL de 1975 (table IV: Special projects) et 1976.

DB21, diffractomètre basse résolution pour la biologie. Ici une ébauche de l'instrument dotée d'un multidétecteur rayons X "Gabriel" auquel a été ajouté un scintillateur gadolinium
©1984 ILL
La version finale de DB21 dotée de la caméra Anger à scintillateur Li-CS de l'ANL, bien adaptée au cas des neutrons froids
© ILL

Caméra Anger
La "Anger camera" est un dispositif qui comporte un scintillateur couplé à un nombre limité de photomultiplicateurs (PM). Lors de l'impact d'un neutron, le signal lumineux émis par le scintillateur est détecté par plusieurs PM et la localisation est obtenue en effectuant une moyenne de leurs réponses. Les gains espérés, par rapport aux détecteurs à gaz, étaient une résolution submillimétrique, un taux de comptage plus élevé et une efficacité de détection accrue du fait, entre autre, de la suppression de l'épaisse fenêtre en aluminium qu'impose la pression du gaz.

A partir 1980, P.A. Seeger (Rutherford Lab.) et Bruce Forsyth (ILL) testent une Anger camera. Les notes internes des années 80 montrent que l'ILL a envisagé de tels détecteurs pour D4, D9, D19, etc., sous le nom de "Anger Bird Camera", "Bird's eye" ou "Flye's eye" mais ce sera un échec du fait d'un bruit de fond trop élevé.

En fait, seul le diffractomètre basse résolution pour la biologie, DB21 (instrument ILL-EMBL) sera doté avec succès d'une caméra Anger mais celle développée aux USA à Argonne. Selon [1, 2], ce détecteur avait les caractéristiques suivantes :

Scintillateur : verre au Li-Cs, ANL, USA
61 photomultiplicateurs montés sur une structure hexagonale
Surface active : 200x200 mm2
Résolution ~1.8x1.8 mm2

DB21 a fourni d'excellents résultats même si la résolution de son détecteur n'était pas submillimétrique, comme l'avait espéré ses concepteurs [3]

 

The only condition is that a two-dimensional PSD with a spatial resolution smaller than 1mm exists !"

André Rambaud raconte :

A ma connaissance seul DB21 a été équipé de ce type de détecteur. Il nous a été livré par un américain qui, à l'occasion de sa venue en France, voulait faire un petit tour d'Europe à raison de un jour par pays. Il devait s'imaginer que c'était comme les états des USA.
Le détecteur comportait un scintillateur circulaire d'environ 30 cm de diamètre et 61 photomultiplicateurs montés sur une structure hexagonale couvrant ce diamètre, plus un dispositif électronique pour faire la localisation. Côté électronique, il y avait sous la table un bac NIM contenant les tiroirs d'acquisition et en dessus un coffret de 30 par 40 cm contenant, pour chaque PM, un potentiomètre
de réglage de la haute tension. L'équilibrage devait être refait assez régulièrement, opération fastidieuse nécessitant des acquisitions de données. Le changement d'un photomultiplicateur était assez compliqué également.

Références
[1] "Neutron Research Facilties at the ILL High Flux Reactor" (1986) nicknamed "YellowBook".
[2] "Low resolution neutron crystallography of large biological macromolecular assemblies", Timmins P.A. (1995) Neutron News 6, 13-18.
[3] “Outlines for the design of low-resolution diffractometer using cold neutrons”, M. Roth, A. Lewit-Bentley, G.A. Bentley, (1983) "Position sensitive detection of thermal neutrons", Ed. P. Convert and JB Forsyth, Adademic Press, p338-343.

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ILL95TI112

A. Morozova, et al. (2019) JINST 14, 03, P03016. DOI: 10.1088/1748-0221/14/03/P03016

Bruno, projet non finalisé

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Dernière mise à jour: 21 July 2022