Les commissions locales d'information (CLI) (2013)
Les commissions locales d'information (CLI)
par Jean-Paul MARTIN
1er décembre 2013
Résumé
L'existence des CLI n'est pas nouvelle comme nous allons le rappeler rapidement dans le texte ci-après. Toutefois, leur assise législative depuis la promulgation de la loi TSN en 2006 leur confère "une autorité d'ingérence" dans l'évocation de la sûreté nucléaire des installations INB. Et ceci dans le but d'informer le public, au travers de leurs propres appréciations. Mais, si l'on peut constater des progrès dans leurs démarches par rapport aux précédentes possibilités (comme par exemple l'ouvrage "la synthèse du livre blanc" des CLI du Cotentin, ouvrage destiné au public, le démontre), il n'en demeure pas moins que l’exercice des CLI reste largement subordonné à l'autorité de tutelle qui est le Conseil Général du département où sont implantés les INB. (Installation Nucléaire de Base).
1- Généralités
Je vais vous parler des CLI au travers de mon expérience en qualité de représentant d'une association environnementale, au sein des trois CLI du Cotentin, à savoir-AREVA La Hague-EDF Flamanville et centre de stockage de la Manche ANDRA à Digulleville-
La forme abrégée qui figure dans le titre est très souvent utilisée et peut prêter à confusion compte tenu qu'il existe également des CLIS(commission locale d'information et de surveillance dont l'objet est de s'occuper des installations concernant le traitement des déchets) et des CLIC (comités locaux d'information et de concertation qui traitent les installations de type Seveso), Les CLIS et les CLIC étant dénommées désormais depuis le 7 février 2012 : "commissions de suivi de sites" dont le sigle est CSS. Les CSS s'occupent des Installations Classées Pour l'Environnement (ICPE).
Alors mon propos sera de vous parler simplement des CLI qui s'intéressent aux installations nucléaires de base (INB). En France elles sont environ au nombre de 38 et concernent les installations nucléaires civiles.
Il faut noter que les CLI elles-mêmes peuvent adhérer à "l'Association Nationale des Comités et Commissions Locales d'Information" qui se dénomme ANCCLI depuis le 5 septembre 2000. En fait, dès 1990, une cellule légère de coordination des CLI au Ministère de l'Industrie avait été décidée lors de la cinquième conférence des présidents des CLI.
L’adhésion des diverses CLI au sein de l’ANCCLI est toutefois libre et facultative, quel que soit le souhait de l’ANCCLI de fédérer toutes les CLI de France.
2 - Créations chronologiques et évolution
Est-ce une notion nouvelle ? J'ose dire non car elles ont été créées par une circulaire en date du 15 décembre 1981 de Pierre Mauroy alors premier ministre. Soit déjà 32 ans auparavant ! Et les CLI visaient à être créées auprès des grands équipements énergétiques.
Alors pourquoi en fait-on grand cas aujourd'hui ? Tout simplement, sans doute, du fait du texte de la loi relative à la transparence et à la sécurité nucléaire numéro 2006-686 du 13 juin 2006 qui stipule dans son texte "la création de ces CLI". Pourtant lesquelles avaient déjà une existence…de plus de 26 ans avant cette nouvelle loi ! Mais les CLI ont donc désormais une assise législative.
Rappelons qu'il en existait environ 14 en 1990 et 38 aujourd'hui- leur forme administrative a peu varié depuis le début de la création. Certaines peuvent avoir un rôle passif, d'autres un rôle très actif. Mais elles ont fondamentalement un rôle d'information du public qui peut aller de l'expertise technique jusqu'à un simple avis préalable à un décret d'utilité publique. Et elles diffusent largement les informations sur les événements dont elles ont eu connaissance.
En fait, jusqu'à la date de 1990, les CLI actives étaient l'exception et les causes de cette "nonchalance " étaient dues essentiellement aux moyens financiers insuffisants dont elles pouvaient disposer. Et cette "nonchalance" résultait surtout du manque de formation des membres siégeant en CLI. (Voir au paragraphe 6 le problème de la formation préalable des membres).
Parmi les structures anciennes, rappelons le rôle prééminent de la CSPI (commission spéciale permanente d'information, auprès de l'Etablissement de La Hague), créée en 1981. Cette structure avait pris corps suite aux nombreuses interrogations et questions posées à propos de l'impact de l'Etablissement de retraitement des combustibles irradiés (lequel Etablissement avait été créé en 1964), et qui avait donné lieu à des débats actifs et passionnés sous l'autorité du Président de cette commission. Lequel était le Député Maire de la ville de Cherbourg Octeville. Cette structure prit fin en 2006 pour être remplacée par la CLI Areva La Hague, suivant la nouvelle loi TSN.
Et ainsi, tel Phénix renaissant de ses cendres, les CLI ont retrouvé actuellement une virginité et une vie nouvelle.
3 - Statut et composition des CLI
Qu'en est-il aujourd'hui de ces diverses CLI ?
Concernant leur existence et depuis la promulgation de la loi TSN de 2006 (voir ci-dessus), les CLI sont créées par décision du Président du Conseil Général du département, dont dépend l'installation.
Le président des CLI est alors le Président du Conseil Général. Mais ce peut être également son délégataire.
Toutefois une certaine souplesse existe au niveau de la constitution de ces CLI car la structure administrative peut prendre au moins deux formes :
-d'une part sous forme d'une association loi de 1901-
- ou encore en régie directe du Conseil Général.
Ainsi dans le Cotentin la CLI Areva est constituée sous forme d'association loi de 1901 alors que celle de Flamanville comme celle du CSM ANDRA sont en régie directe sous l'autorité Conseil Général. Mais le Président de ces trois CLI est, en fait, commun aux trois structures et c’est en l’occurrence un Conseiller Général délégataire du Président du Conseil Général
La composition des CLI est fixée par le Président du Conseil Général et comprend des membres issus de divers collèges, avec voix délibérative ou consultative. Elle comporte par exemple :
-le collège des élus-le collège des représentants des associations de protection de l'environnement-le collège des organisations syndicales-le collège des compagnies consulaires-le représentant des ordres (médecins, pharmaciens…)-Des personnalités désignées au titre de leurs compétences en sûreté nucléaire ou autres (collège scientifique).
On voit donc que la palette est large et dépendante de la décision du Président du Conseil Général. Donc le fonctionnement de chaque CLI sera forcément lié à la nature constitutive de cette palette. Comme aussi du financement de cette structure.
4 - Quels sont les résultats de l'action des CLI (du Cotentin)?
Ces trois CLI siègent régulièrement c'est-à-dire au moins une fois par trimestre en moyenne, et avec la définition d'un certain formalisme pour établir l'ordre du jour avec le concours des différents collèges.
L’exploitant relatif à chaque CLI ainsi que l’ASN siègent au premier chef au cours des assemblées générales, qui sont ouvertes aux médias et au public. Celles-ci se terminent souvent par des visites de chantier ou quelquefois par une visite des installations.
L'information au public passe principalement par les articles de presse faisant suite à ces assemblées générales, par les comptes-rendus des travaux de la CLI mis en ligne sur son site Internet (www.cli-areva.fr) et par des bulletins d'information thématique (par exemple le dernier consacré à l'épidémiologie des cancers dans le département).
Toutefois l'accident de FUKUSHIMA et la formalisation centralisée des trois CLI sont à l'origine d'une mesure particulière et intéressante que voici :
-le Président commun aux trois CLI a créé un groupe de travail interCLI avec un nombre restreint de participants et toute la problématique de la sûreté nucléaire, voire de la sécurité, a pu être débattue dans tous les domaines grâce à un nombre considérable de dialogues avec toutes les autorités inhérentes à ce domaine (exploitant-ASN-IRSN-chambre d'agriculture-préfecture-…)
-à partir de toutes ces réunions formalisées par des comptes-rendus, il a été possible de rédiger d'une façon commune aux différents collèges, un document intitulé " livre blanc-" ainsi qu'une "synthèse du livre blanc" sous forme d'une formule davantage accessible au public.(Voir nota bene en fin de texte).
Ce travail de longue haleine (deux ans et demie) n'a été rendu possible que par l'acceptation conduisant à évoquer les différentes questions et genèses d'accident ou d'incident. Des interrogations sont encore posées aujourd'hui à la suite de travail, mais elles devraient permettre désormais de développer des solutions ou des réponses correspondant à ces problèmes.
Cette action a permis également aux membres des collèges de mieux se connaître individuellement au titre d'inter-collèges.
5 - Les moyens d'action des CLI
Il s'agit essentiellement :
-des moyens financiers : c'est le conseil général qui y pourvoit majoritairement et détient, par la même, d’un moyen important pour agir sur le fonctionnement des CLI
-et des moyens techniques-technologiques-scientifiques :
Là, c'est essentiellement la qualité des membres des divers collèges, qui sont bénévoles, rappelons-le, qui vont induire de par leur culture et de par leur assiduité, la qualité du dialogue et du questionnement pertinent.
Des expertises extérieures peuvent être demandées par les membres des CLI, mais l'acceptation sera subordonnée rapidement aux possibilités financières du Conseil Général.
6 - Conclusions
Le rôle essentiel des CLI est celui de suivi de sites, de concertation et d'information du public. Et la pluralité des compétences de chaque collège est un gage pour entamer des investigations dans les différents domaines liés à l'installation.
L'autorité de sûreté nucléaire qui assiste régulièrement aux assemblées générales ordinaires est aussi un gage d'impartialité technique notamment par le rappel des valeurs réglementaires au-delà desquelles il pourrait y avoir un impact sur la santé publique.
Et les CLI constituent le moyen de montrer la capacité de gestion des risques technologiques par les Présidents des Conseils Généraux.
Mais le déroulement des séances, publiques pour certaines CLI, n'est pas forcément dans la continuité des réunions précédentes, du fait de la disparité de la nature des collèges. Et cette disparité entraîne la poursuite d'objectifs quelquefois différents pour chacun des collèges.
Et surtout la complexité de certaines questions si l'on veut que la compréhension des données techniques fondamentales de la sûreté et de la radioprotection soit saisie par les membres des CLI, nécessite incontestablement la formation préalable de leurs membres. Ce problème n'est absolument pas abordé à ce jour et pourtant il figurait en clair dans le chapitre "l'insuffisance des moyens d'analyse critique" du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques" du 17 décembre 1990. C'est certainement un point d'achoppement considérable pour s’exprimer de façon davantage consensuelle à partir des divers collèges.
Enfin dans la même veine, le recours à des experts "indépendants" pour traduire en langage courant certaines informations de l'exploitant, pourrait constituer un progrès considérable : encore faudrait-il que les Conseils Généraux puissent "soutenir" financièrement, et dans le même sens, les demandes des CLI.
Il est cependant indéniable que le fonctionnement des CLI actuelles, même avec leurs imperfections constitue un gage de confiance pour la population ,en ce qui concerne les questions de sûreté et d'impact sur la santé publique.
Par contre, procéder à une fédération des diverses CLi, voire simplement à une concertation entre CLI, correspondrait plutôt à un encadrement centralisé des CLI au niveau national, mais pas nécessairement à une amélioration des résultats.
Et par ailleurs constituer administrativement les CLI sous forme d'Associations loi de 1901 peut leur conférer une plus grande indépendance, mais les moyens financiers délivrés par le Conseil Général, nécessaires pour acquérir et diffuser les informations émanant du travail des CLI, constituent, a contrario, un véritable lien de dépendance vis-à-vis de celui-ci.
Ces appréciations ne sont que les miennes propres et découlent de mon implication personnelle dans les trois CLI du Cotentin, en qualité de représentant de l'Association des Ecologistes Pour le Nucléaire (AEPN)
MARTIN Jean-Paul-retraité du CEA-et membre des trois CLI du Cotentin
-le 10 décembre 2013-Martin Jean-Paul
N.B. :
http://www.climanche.fr/newsletter/doc-201312/synthese-livre-blanc-surete-installations-nucleaires-civiles-manche-post-fukushima.pdf
(lien pour accès à "synthèse du livre Blanc")
http://climanche.fr/newsletter/doc-201312/livre-blanc-surete-installations-nucleaires-civiles-manche-post-fukushima.pdf
(lien pour accès au "livre blanc")
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